Plusieurs procès ont eu lieu concernant Dachau. Celui dont il est question ici (Case number 000-50-2) dit « contre Martin G. WEISS et alii » s’est tenu du 15 novembre au 13 décembre 1945 à l’intérieur même du camp de Dachau, sous la houlette du Tribunal américain. Il s’agissait de juger 40 accusés que les troupes ont capturé sur place. Parmi eux se trouvait le SS Otto MOLL, de sinistre mémoire, pour les survivants de Birkenau en général, et pour les prisonniers du Sonderkommando en particulier, c’est pourquoi ce procès est évoqué ici. En sous-rubrique, une page spécifique présente les accusés et s'arrête sur son cas.
Le dossier du procès débute sur la description du camp tel que les soldats américains l'ont découvert et libéré le 29 avril 1945. Avant même d'y entrer, c'est un train qu'ils ont vu, d'une trentaine de wagons de marchandises (il venait de Buchenwald), dans chacun desquels se trouvaient des prisonniers juifs, morts.
[Crédit pour les images suivantes : archives personnelles, photos prises en août 2007]
Sont ensuite cités : les Blocks, le "Bunker" et ses cellules, les deux crématoires (le "vieux" et le "récent").
Les fours du crématoire le plus ancien (de 1940 d'après S. Zámečník 1 qui indique qu'il s'avère très vite insuffisant relativement au nombre de prisonniers qui meurent dans le camp, et en particulier aux milliers de prisonniers de guerre soviétiques qui y sont abattus).
Un témoignage de survivant, prisonnier à Dachau de 1935 à 45, indique que : dans ce premier crématoire, travaillaient cinq ou six prisonniers juifs qui formaient "le commando du crématoire". Ils étaient logés dans les cellules du Bunker afin qu'ils restent séparés des autres prisonniers. Lorsqu'ils étaient trop épuisés par le travail, le chef du commando les abattait sur place.2
Le bâtiment du crématoire le plus récent est décrit pièce à pièce dans l'introduction au procès. Sont évoqués notamment [p.4 du dossier] une salle de désinfection, une salle des fours et une chambre à gaz.
Le bâtiment du crématoire le plus récent (travaux qui débutent en mai 1942, mis en service au printemps 43. Il était appelé "bâtiment X" par les SS)
Il est notifié que cette chambre à gaz comporte à son entrée une indication "Brausebad", bien qu'il n'y ait en réalité pas d'installation de bains ("although in fact there were no bath facilities"). A l'arrivée des soldats américains, deux salles étaient remplies de corps empilés dans le bâtiment.
A l'entrée de la chambre à gaz avec indication "Brausebad" au-dessus de la porte.
L'utilisation ou non de cette chambre à gaz a fait débat. Il semble que (S. Zámečník, op. cit.) bien que fonctionnellle, elle n'ait été que très peu utilisée. Elle l'a néanmoins été, en particulier par le médecin SS Sigmund Rascher3 (cf sa lettre à Himmler lui demandant l'autorisation d'utiliser cette chambre à gaz pour des expériences sur les gaz de combat). En fait, le camp de Dachau ne se prêtait pas à l'extermination massive. Le nombre de fours suffisait juste à l'incinération des corps des détenus (en augmentation au fil des années), les fosses communes étaient interdites par le Reich depuis 42 et il n'était pas imaginable de mettre en place des fosses de crémation du fait de la proximité de Münich.
Il faut par ailleurs signaler que durant le procès, plusieurs SS ayant effectué l'essentiel de leur carrière à Dachau évoquent à différentes reprises les convois de prisonniers qu'ils faisaient partir "pour Linz" (château de Hartheim) où ils seraient gazés.
A proximité des bâtiments des crématoires, les troupes américaines notent la présence d'un chenil et un champ de tir. Au fil du procès, divers accusés évoqueront des massacres de Soviétiques sur ce champ de tir.
L'introduction au procès évoque ensuite les deux hôpitaux de Dachau, celui des prisonniers, à l'intérieur du camp, et celui des SS. Les diverses expériences menées sur les prisonniers et les quantité d'autopsies sont évoquées, ainsi que les nombreux tannages de peaux humaines (du dos et de la poitrine) prélevées sur les corps de prisonniers en 42.
Le dossier du procès traite enfin du fonctionnement hiérarchique dans le camp (Kommandoführer, Arbeitsdientsführer, et Blockälteste, Kapos,...) et relate la "journée type" d'un prisonnier. Il note que d'importants convois partiront de Dachau pour "Auschwitz, Lublin, Linz" en 1943. Cette première partie de présentation générale des spécificités du camp de Dachau se termine par les Blocks de punition et les particularités du (des) sous-camps de Kaufering (p.12 à 15).
On notera que, même si comme dans chaque procès concernant les camps, les SS minimisent tous leurs activités et en taisent certaines (le cas de Moll est dans ce domaine "exemplaire"... voir la page des accusés) ce procès, on ne peut plus précoce, montre une autre particularité : l'habitude n'est pas encore prise par les SS menés devant les tribunaux de charger exclusivement leurs compagnons déjà morts (ce qui sera une pratique particulièrement répandue par la suite, au vu des divers procès que j'ai lus). En effet, les accusés ne rechignent pas ici à dénoncer les noms, responsabilités et actes de "leurs petits camarades".
1 - Stanislav Zámečník, survivant de Dachau, historien (Univ. de Prague) dans son livre, ouvrage de référence pour l'histoire du camp, "C'était ça, Dachau" paru en français aux éd. Cherche midi en 2003.
2 - Mémoires -non publiées à ce jour- de M. Schecher, citées dans l'expo "Le camp de concentration de Dachau entre 1933 et 1945". Le catalogue de cette exposition a été édité en français en 2005 par le Comité international de Dachau.
3 - SS Sigmund Rascher, né le 12 février 1909, médecin et fils de médecin. Il entre au NSDAP en 1933, à la SA en 1936 puis à la SS en 39. En août 39 il doit rejoindre l'armée de l'air. C'est dans ce cadre qu'il va convaincre Himmler de l'intérêt et l'importance de recherches sur la résistance humaine à la pression (vols à très haute altitude) et sera autorisé à effectuer des expériences sur des prisonniers. On lui attribua alors un block au Revier en février 42 où il contribua également, auprès du médecin SS Ernst Holzlöhner, en 1942 et 43, à des expériences sur l'hypothermie. Pour avoir menti à Himmler (dans le domaine de sa vie privée et familiale) il fut envoyé en tant que prisonnier à Buchenwald en mars 44 puis transféré dans l'une des cellules du "Bunker" de Dachau où il fut abattu par le SS Bongartz sur ordre d'Himmler peu avant la libération du camp. [Sources : Zamecnik op. cit. et Klee in : Lekikon zum dritten Reich, 1ère éd. S. Fischer, 2003]
[Mise en ligne de cette page : mai 2013]