Dans ce gros volume, l'auteur relate sa vie de façon simple et directe, depuis son enfance dans la ville de Debrecen où il est né en 1928, jusqu'au début de l'année 46 avec son arrivée à Paris et ses retrouvailles avec son frère et sa soeur. Cette phrase sous-entend les multiples niveaux de lecture et dit en creux tout l'intérêt de ce livre (merci à sa fille qui l'a convaincu de s'atteler à cet travail d'écriture). En effet, nous sommes ici invités à partager une grande variété d'informations, au travers de la narration des souvenirs de son auteur.
- La vie d'une famille juive dans la Hongrie d'avant-guerre, puis la terrible évolution (voire le renversement) de la situation avec Miklós Horthy puis les Croix fléchées de Szálasi, les bataillons de travailleurs forcés juifs (dont 1/3 va périr), et la population hongroise non juive que Nicolas (Miklós) Roth juge très sévèrement, à la mesure de la déception d'un groupe qui se pensait tout aussi Hongrois que leurs frères. Il décide d'ailleurs à ce moment-là de ne jamais retourner vivre en Hongrie après guerre, et ne changera pas de point de vue.
- Le quotidien dans le ghetto de la ville à partir de sa mise en place en mai 44 jusqu'à la déportation en juin. L'auteur note que ce sera la première occurrence d'un contact avec un Allemand en uniforme (jusqu'alors, toutes les situations étaient gérées par des Hongrois).
- La survie à Auschwitz (à la DAW, et à Huta en particulier).
- Le camp de Dachau où a abouti la "marche de la mort" qui l'a concerné.
- Les suites de la Libération, les camps pour DP et sa situation en Italie, qui est particulièrement détaillée.
Cette liste rapide indique sans doute suffisamment clairement la richesse de cet ouvrage. Je noterai par ailleurs que, en ce qui concerne Auschwitz en particulier, outre l'apport spécifique du témoin -ce qu'il a dû traverser, les Kommandos par lesquels il est passé, etc- nous avons ici un regard tout à fait spécifique : celui d'un adolescent. Une richesse supplémentaire pour qui s'intéresse notamment aux aspects psychologiques de la survie au Lager, aux stratégies conscientes et à celles qui sont intuitives, spontanées.
Les prisonniers du Sonderkommando ne sont pas évoqués (Nicolas Roth est au Stammlager), sauf lorsque l'auteur est dépositaire du témoignage d'un jeune Slovaque, ce qui lui procure un sentiment de malaise et de pitié dont il dit que l'horreur lui pèsera longtemps.
Ed. Le Manuscrit et La FMS, 2011, ISBN 978-2-304-03544-5.
[Si vous ne lisez pas son témoignage, vous pouvez écouter Miklos Roth ici].