En décembre 1942, les dirigeants des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de l'Union Soviétique publient une déclaration commune où sont clairement mentionnées l'extermination des Juifs d'Europe et la décision conjointe d'en poursuivre les responsables en justice.

Les principaux responsables Allemands durent en effet être jugés pour leurs actes devant un tribunal militaire international (TMI) composé des trois grandes puissances ci-dessus auxquelles s'ajouta la France : il s'agira du retentissant Procès de Nuremberg. Il durera près d'un an (novembre 1945 à octobre 46), les accusés seront au nombre de 22. Les peines s'échelonneront comme suit : 12 condamnations à mort, 3 peines de prison à vie, 4 peines de 10 à 20 ans et 3 acquittements. Ce sera l'occasion d'une (re)connaissance véritable et officielle des réalités de l'Allemagne nazie et de la mise en place de la notion de crime contre l'humanité.

Après cet évènement considérable, divers procès eurent lieu qui furent ensuite souvent globalisés sous l'appellation "les procès de Nuremberg", formule qu'il faut entendre comme "dans la suite du procès de Nuremberg" (encore que celui de Lüneburg eut lieu en 1945). D'après le United States Holocaust Memorial, il y en eut douze sous l'égide du TMI entre 46 et 48 (onze entre 46 et 49 d'après le site du Mémorial de la Shoah, qui auraient concerné 185 inculpés et auraient abouti à 120 peines de prison et 35 acquittements). Ils concernaient majoritairement des officiers supérieurs allemands. En fait, on pourrait les regrouper en trois catégories. D'abord des procès destinés à juger les membres des Einsatzgruppen, puis véritablement les "procès des camps", qui eux-mêmes doivent être subdivisés en deux : les tribunaux militaires et ensuite les tribunaux civils (procès pour crimes de guerre destinés à juger essentiellement des officiers, commandants de camps, médecins, gardes). D'après Serge Klarsfeld, "on estime que 5.000 criminels furent jugés sur 100.000".


Ce sont divers "procès des camps" qui seront évoqués ici, par ordre chronologique. La chose est complexe pour diverses raisons :
- Les premiers procès ont eu lieu de suite par des tribunaux militaires mis en place par les divers pays libérateurs et les accusés l'étaient pour le camp dans lequel ou près duquel ils ont été capturés. En fait, ils avaient parfois -voire souvent- effectué leur service dans divers autres camps.
- Pour certains accusés, les tribunaux ne parvenaient pas à en retrouver la trace. Dans ce cas (fréquent) de "l'accusé introuvable", le procès a lieu tout de même et un nouveau procès est ouvert, pour le même camp, souvent plusieurs années plus tard, lorsqu'on retrouve le ou les "accusés manquants" (c'est le cas par exemple de Franz Stangl pour le(s) procès de Treblinka).
- Enfin, des procès ont eu lieu devant une multitude de tribunaux d'Europe, il est donc difficile de les répertorier. Beaucoup ont notamment eu lieu en Pologne, bien entendu, ou en Allemagne de l'Est.
Tel qu'il est prévu, ce site n'a pas vocation à accueillir des informations détaillées sur ces procès. Néanmoins, j'ai une certaine quantité de notes sur ce sujet. Les informations ne sont souvent accessibles qu'en allemand. Il est possible que je rédige, occasionnellement, des pages concernant certains de ces procès, non directement liés à Auschwitz. Dans ce cas, vous les trouverez dans la rubrique des "thèmes liés" (sous-rubrique "sujets divers").

Les tribunaux militaires se sont tenus très rapidement, dans la continuité et sous le choc de la découverte de la réalité des camps lors de leur libération. Les accusés étaient les principaux responsables de chaque camp et / ou les SS trouvés sur place par les libérateurs. Les peines étaient alors lourdes, les condamnations à mort n'étaient pas rares mais toujours clairement motivées. Pour les procès civils en revanche, on a souvent laissé passer le temps (parfois jusqu'à 30 ans !) et tout était différent. Les témoins survivants étaient moins nombreux, les SS étaient souvent difficiles à retrouver (morts, enfuis à l'étranger, ou ayant tranquillement refait leur vie, éventuellement sous d'autres identités, mais dans tous les cas avec l'aide de divers soutiens). On ressort des recherches sur ces procès avec la pénible impression que globalement l'Allemagne aurait davantage songé à passer les faits sous silence (durant toute une époque, à partir des années 50) dans un prétendu oubli plutôt qu'à les affronter. Enfin, la clémence des sentences laisse pantois. L'excuse de santé est souvent évoquée pour acquitter des accusés qui mourront un grand nombre d'années plus tard. Un autre exemple (mais on n'a, hélas, que l'embarras du choix tant les situations se reproduisent) : le bras droit du commandant du camp Christian WIRTH, à Belzec, qui a fait construire le bâtiment aux six chambres à gaz puis a regardé 300.000 Juifs y entrer (on dira pudiquement "regardé"), outre qu'il ait d'abord prétendu n'avoir jamais mis les pieds à Belzec, comptant sans doute sur le fait qu'aucun survivant ne pourrait être là pour le contredire, a ensuite tenté de faire croire qu'il a agi sous la contrainte mais qu'il désapprouvait ce qu'il a fait durant des mois jour après jour. Le tribunal, après avoir démontré comment prétendre avoir agi contre son gré n'avait aucun sens, a finalement donné une peine de... quatre ans et demie de réclusion, arguant du fait que l'accusé avait déjà été condamné à quinze ans pour une autre affaire : sa participation aux euthanasies du "programme T4" (qui concernait notamment les handicapés et les malades mentaux, puis les tuberculeux...). Je vous laisse considérer la chose : s'il vous arrivait de tuer votre voisin demain, vous seriez condamné à la même peine globale de prison que cet individu.  

Les procès concernant Auschwitz :       

Le procès de Lüneburg, du 17 septembre au 16 novembre 1945, a été mis en place par un tribunal militaire Britannique. Il était destiné à juger les responsables des camps de Bergen-Belsen et d'Auschwitz. Onze inculpés furent condamnés à mort, parmi lesquels Irma GRESE, Franz HÖSSLER (par ailleurs chef d'Auschwitz I de juillet 1944 à janvier 45) et Josef KRAMER (dernier commandant de Bergen-Belsen après avoir été celui de Birkenau). 19 des autres accusés furent condamnés à des peines de prison.

Le "principal" procès de Dachau (Hauptprozess) s'est tenu en novembre et décembre 45, après la libération du camp par les troupes des Etats-Unis. Divers procès sont dits "de Dachau" car c'est là qu'ils se sont tenus. On pourra trouver ainsi le procès de Buchenwald à Dachau,... Le jugement d'Ilse KOCH de Buchenwald par exemple (prison à vie) a été annoncé en août 47. Dans le présent site, le "procès de Dachau à Dachau" nous intéresse particulièrement car y furent jugés, parmi les SS, quelques-uns qui avaient précédemment officié à Auschwitz (voir la page de présentation de ce procès). Quels que soient les accusés de ces procès (tels Martin WEISS commandant de Dachau, Wilhelm WAGNER, ou Franz ZIEREIS commandant de Mauthausen), tous plaidaient non coupable, comme ce fut le cas presque systématiquement dans tous ces procès.   

Parmi les nombreux procès qui se sont tenus après-guerre dans diverses villes de Pologne, déjà évoqués, certains des accusés avaient été actifs à Auschwitz. Le plus emblématique sera évidemment celui de Rudolf Höss, le principal commandant du camp. Il sera jugé à Varsovie en 1947, condamné à mort et pendu au camp (Stammlager), entre son ancien domicile et le crématoire 1.

Le premier procès d'Auschwitz (ne concernant que des invidus accusés d'actes criminels commis à Auschwitz) eut lieu fin 1947. Il se tint à Cracovie (à 60 kms du camp d'Auschwitz). Les accusés étaient au nombre de 40, parmi lesquels furent condamnés à mort et exécutés : Hans AUMEIER, Maximilian GRABNER, Arthur LIEBEHENSCHEL, Maria MANDEL (qui fut surveillante à Lichtenburg puis à Ravensbrück avant de devenir chef du camp des femmes à Birkenau), Erich MUHSFELDT (qui participa aussi à l'extermination menée à Majdanek). Lors de ce procès, trois anciens membres des Sonderkommandos témoignèrent, dont les dépositions sont sur le site (sous rubrique "les témoins"). Des rubriques spécifiques sont consacrées à ce procès sur ce site.

Un procès concernant Treblinka eut lieu à Düsseldorf. Il jugeait dix accusés et près de cent témoins ont déposé. Kurt FRANZ (né le 17 janvier 1914) a été condamné à la prison à vie pour le meurtre "d'au moins 300.000 personnes" bien qu'il se déclarait innocent, comme d'ailleurs plus ou moins tous les autres accusés de ce procès. Il fut libéré en 1993 et mourut en 1998. Il était à Belzec avant de devenir commandant du camp de Treblinka, où il succédait à Christian WIRTH. Trois autres accusés ont été condamnés avec Kurt FRANZ aux "travaux forcés à vie" (peine maximale alors en vigueur en Allemagne), il s'agit de Heinrich MATTHES, August MIETE (libéré pour sénilité) et Willi MENTZ. Les cinq autres condamnations étaient des peines de 3 à 12 ans de prison (pour en savoir plus, cliquer ici).

Le second procès d'Auschwitz eut lieu à Francfort d'octobre 1963 à août 1965. Ce fut un procès considérable avec 319 témoins, couvert par 150 journalistes du monde entier. Les accusés étaient au nombre de 22. Grâce à "Digitale Bibliothek" ce procès est désormais disponible en DVD. Il contient une somme considérable d'informations. Nous étudierons plus précisément celles qu'il apporte à notre sujet dans les sous rubriques de ce chapitre et en particulier les témoignages des trois anciens membres de Sonderkommandos.

Le procès de Belzec eut lieu en 1965. Il concerna 8 inculpés (dont Josef Kaspar OBERHAUSER) pour lesquels il y eut... 7 relaxes, sur le motif qu'ils ont "obéi aux ordres". Sans doute le fait qu'il n'y ait que deux survivants connus de ce camp, dans lequel on allait directement vers la chambre à gaz dès la descente du train, explique-t-il aussi cette clémence.

Le dernier procès de Treblinka eut lieu en 1970. Franz STANGL y comparut, il fut commandant du camp. Il n'a pu être jugé qu'en 1970, après son extradition du Brésil. Il a déclaré lors de ce procès qu'en période de "grande affluence" jusqu'à 18.000 Juifs ont été tués par jour. Il a été condamné à perpétuité et est mort en prison en 1971.

En Autriche également, différents procès ont jugé d'anciens SS d'Auschwitz. Il y eut notamment celui de Walter DEJACO et Fritz ERTL du 18 janvier au 10 mars 1972 concernant la construction des crématoires. Dejaco était au Plannungsbüro depuis 1940 et est resté à Auschwitz alors que Ertl s'est porté volontaire pour le front en 42. Les deux sont sortis libres du tribunal. Il y eut aussi le procès des SS Otto GRAF et Franz WUNSCH du 25 avril au 27 juin 1972. Graf était Aufseher, il faisait partie de la Stabskompanie. Des témoins l'ont reconnu comme étant le SS surnommé "Gaskassier", celui qui versait le Zyklon B. Wunsch était Kommandoführer au Kanada. Les deux étaient notamment accusés d'avoir participé à l'élimination de membres du Sonderkommando. Ils furent considérés comme innocents et remis en liberté à l'issue du procès.

Le 3è procès de Majdanek (les deux premiers avaient eu lieu en Pologne en 44 pour l'un et en 46-48 pour l'autre) doit être cité. Il débuta le 26 novembre 1975 à Düsseldorf. Il concernait 15 accusés, 9 hommes et 6 femmes. Le principal accusé était Hermann HACKMANN (qui était aussi à Sachsenhausen et Buchenwald). Il y avait également Hermine RYAN (qui avait déjà été accusée lors d'un procès à Vienne pour ses activités de surveillante à Ravensbrück et condamnée à trois ans de détention).
La défense a mis tant d'obstacles que les interrogatoires des accusés n'ont pu commencer qu'un mois et demi après l'ouverture du procès. Il a ensuite duré si longtemps que divers témoins et un accusé sont morts durant ce laps de temps. Un autre accusé sera libéré pour raisons de santé. Au bout de 3 ans 1/2, la procédure contre 4 des accusés est abandonnée (libérés le 19 avril 79). "Le public est horrifié" lit-on dans la presse de l'époque. Le 30 juin 1981 les jugements sont (enfin) annoncés : prison à vie pour Hermine RYAN (sera graciée en 1996, morte en 1999), 7 peines de prison de 3 à 12 ans et un nouvel acquittement. Des manifestants défilent, parmi lesquels certains survivants avec leurs "tenues rayées", une banderole "Jammerbild der Justizpraxis" (tableau de désolation de la pratique judiciaire), ... L'indignation se mêle à la consternation.

 

[Page mise en ligne en décembre 2006 / dernière mise à jour en juin 2013]