Contrairement à ce que l’on peut lire ici et là -et très souvent hélas- la plupart des hommes qui furent membres d’un Sonderkommando ne restèrent pas muets sur ce dont ils avaient été témoins et ce à quoi ils furent forcés de participer. Bien au contraire, des hommes courageux et exemplaires parmi eux osèrent parler, à toutes les époques, dans un environnement parfois très hostile. Ils eurent le courage d’affronter l’idée que, comme l’a dit Filip Müller, quoi qu’il leur en coûte encore, c’était « leur devoir » d’informer le monde de ce qu’ils savaient et que personne d’autre qu’eux ne pourrait dire.

Ce témoignage est à la fois des plus difficile à porter et des plus essentiel. Difficile à deux niveaux : difficile comme l’est chacun des témoignages que nous ont offert les survivants (se rappeler l’horreur, c’est la revivre en la réactualisant) et difficile de façon spécifique dans leur cas parce que la majorité ne voulait pas les entendre, sinon pour les juger, voire les condamner, en tant que supposés collaborateurs de l’extermination.
Témoignages essentiels bien entendu, puisque sur eux a pu se fonder (dépositions du printemps 45) la première approche de la réalité de l’extermination à Auschwitz-Birkenau, puis peu à peu une connaissance plus en profondeur des processus permettant de reconstituer les faits et les lieux.

Ces hommes méritent donc notre respect et doivent être remerciés pour leur apport à l’histoire de l’extermination des Juifs et Tziganes à Auschwitz-Birkenau, pour leur apport à l’Histoire.

J’ai organisé ces pages en quatre parties :

  1. Les manuscrits : il s’agit de textes que certains membres des Sonderkommandos ont écrit durant leur présence au Kommando, au péril de leur vie (même si chaque instant au Lager était "au péril de sa vie"…) Ils les ont ensuite cachés afin qu’ils puissent être retrouvés "plus tard" par les historiens. Les auteurs de ces textes écrivent clairement que tel est leur but : témoigner (pour l’avenir) d’une réalité quotidienne qui, sinon, ne pourra être connue. Epouvantés par leur vécu jour après jour, cette épouvante est redoublée par la crainte que les SS réussissent à faire disparaître toute trace et que jamais ne soit connue la réalité. Ils écrivent sachant qu’ils n’ont aucun espoir de survie, ayant constaté que l'immense majorité des hommes de Sonderkommandos qui les avaient précédés, avaient été exterminés.
    Certains de leurs textes ont donc été retrouvés : ils font l’objet de la présente page.

  2. L’écrit : il est question ici des livres écrits et publiés après guerre par des survivants de Sonderkommandos, depuis le plus ancien jusqu’à celui de Shlomo Venezia (paru en France en janvier 2007).
     
     
  3. Les paroles : ici, je reviens sur les témoignages oraux qui ont été enregistrés et éventuellement consignés par écrit. Il s’agit des dépositions auprès de la Commission Soviétique au printemps 45, puis lors des procès (à Dachau, Lüneburg, Cracovie, Francfort), des interventions dans des films documentaires et enfin des entretiens avec des historiens.

  4. L’art : cette rubrique accordera une large part à David Olère, artiste survivant du Sonderkommando, qui a consacré le reste de ses jours au témoignage (dessins, puis peintures et sculptures). Sa page est divisée en plusieurs parties tant son œuvre est dense, alors même que je ne m’intéresserai ici qu’à la dimension documentaire de cette œuvre.